jeudi 15 mai 2014

Le bon docteur Sacks et moi

Croyez-vous qu'un seul livre peut changer une vie?

Moi, oui. La mienne est parsemée de moments charnières, de révélations qui se sont échappées d'une page pour se faufiler dans mon cerveau et y causer parfois une petite mise à niveau, d'autres fois une véritable réorganisation de modules que je croyais immuables. Le neurologue et auteur Oliver Sacks est derrière plusieurs de ces éclats. Pour la plupart des gens, le nom est inconnu... Jusqu'à ce qu'on précise que Robin Williams a joué son rôle dans le film très édulcoré L'éveil tiré de son percutant 50 ans de sommeil.

Depuis les débuts de sa carrière, le docteur Sacks se passionne pour ses patients et leurs étranges maux au point d'en avoir fait les vedettes d'une série de best-sellers qui ont eu le mérite d'attirer la compassion sur des troubles aussi invalidants et incompris que le syndrome de Gilles de la Tourette et l'autisme. Il a aussi démystifié des univers hermétiques comme la culture des malentendants et révélé des afflictions aussi incroyables que le syndrome du membre étranger et la prosopagnosie, qui désigne le trouble de reconnaissance des visages.

Comme tout cordonnier mal chaussé, le docteur Sacks a contribué à rendre ce dernier bobo mondialement connu avant de réaliser qu'il en était lui-même atteint à un âge avancé, croyant jusqu'alors qu'il était normal de ne pas reconnaître son frère après une absence prolongée et que ceux qui y arrivaient jouissaient d'une mémoire exceptionnelle...

C'est à l'âge tendre de 15 ans que j'ai plongé dans son incroyable corpus littéraire en commençant par son captivant recueil de cas L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau... Avouez que le titre est irrésistible... Les pages qui suivent le sont encore plus.

Lire un ouvrage d'Oliver Sacks, c'est parcourir avec un guide les abysses de la psyché humaine, celle d'autrui, mais aussi la sienne...

Depuis toujours, nous nous tourmentons avec les éternelles questions "Qu'est-ce qui fait l'homme? Sommes-nous la somme de nos expériences ou seulement un amalgame de réflexes conditionnés?" Ses livres offrent d'excellentes pistes de réflexion.

Mais encore?

Où puis-je bien vouloir en venir, vous demandez-vous? Je vais maintenant faire un détour par un autre livre, Bossypants, de la scénariste, productrice et actrice Tina Fey... Touche-à-tout ayant fait ses preuves à la légendaire émission Saturday Night Live, Tina y a réuni quantité d'anecdotes surprenantes et de réflexions grinçantes sur la vie.

Au fil de ses révélations croustillantes, elle paraît avoir le chic de toujours être à de drôles d'endroits à de drôles de moments (un "talent" que je partage, comme en témoigne, par exemple, ma rencontre imprévue avec le président de la Grèce, Antonis Samaras, sur la place Syntagma à Athènes le soir de son élection).

Il est donc amusant d'y lire que l'une des choses qu'elle n'aura pas réussi à accomplir est d'être un "cas" du docteur Sacks... Il n'en fallait pas plus que pour je grimpe sur ma chaise en hurlant : "Moi oui, moi oui!"

Prends des notes, Tina

Donc, Tina, si tu connais aussi le français, en plus de l'anglais, du grec et de l'allemand, voici le truc. C'est d'une simplicité enfantine...

Il te suffit justement de vivre une expérience étrange pendant l'enfance, de t'en souvenir en détails rendu à l'âge adulte, de découvrir les livres d'Oliver Sacks, de t'inscrire à sa "newsletter" et de répondre aux appels à tous de son assistante Kate Edgar (dont il ne reconnaît toujours pas le visage après 10 ans).

Par exemple, si Kate écrit que "le docteur Sacks travaille présentement à un livre sur les hallucinations et aimerait savoir si vous avez déjà expérimenté des hallucinations non reliées à l'alcool ou aux drogues", tu craches ton histoire.

Si tu es chanceuse, Kate te répond que le docteur Sacks aime beaucoup ton histoire et te demande comment tu souhaites qu'il écrive ton nom. Tu réponds "Josée B" (ou une combinaison qui se rapproche plus de ton nom à toi). Ensuite, tu attends la sortie du livre Hallucinations en anglais et tu te précipites à la librairie pour avoir le plaisir de trouver ton "pseudo" dans la table des matières avec "(delirium) 183" écrit à côté. Tu te rends à la page 183 et tu ressens la même émotion qu'un geek à qui Steve Jobs aurait dédié une version de son iPhone...


Si j'en parle maintenant, c'est que le livre vient tout juste de sortir en français sous le doux titre de L'odeur du Si Bémol par les éditions Seuil. Je vous le recommande chaudement comme lecture de vacances si la psyché humaine vous intéresse.

Des pommes? Un rouge à lèvres géant?

Et rassurez-vous sur mon état. Je vais très bien. Il ne s'agissait que d'épisodes étranges qui surviennent principalement chez des enfants souffrant de fièvre. J'ai découvert il y a quelques années dans un magazine Cerveau et psycho qu'on lui a donné le très judicieux nom de "syndrome d'Alice au pays des merveilles"...


Je vous garde le mystère. Vous pourrez le googler ou lire le livre. En attendant, voici un dessin pour aiguiser votre curiosité!

 

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