lundi 27 janvier 2014

Alcatraz : philosophique et merdique

Rien de plus frustrant en voyage que de ne pouvoir visiter la principale attraction touristique de la place! Imaginez quand celle-ci vous nargue en plus pendant toute une semaine en apparaissant chaque instant dans votre champ de vision!
 
Consolation, les otaries du Pier 39 ne peuvent
visiter Alcatraz non plus.
C'est ce que j'ai vécu à San Francisco en décembre dernier avec la mythique prison d'Alcatraz. Achat des billets sur un coup de tête le vendredi 20 décembre à minuit,  deux épuisants trajets d'avion le lundi 23, arrivée en soirée dans un hôtel correspondant environ à 20 % à la description et aux photos. Qu'à cela ne tienne : Alcatraz, ses mystères et ses fantômes nous attendaient mardi! Mais nous attendaient-ils vraiment?

Loin de là! La prison d'Alcatraz se portait très bien sans nous sur son île dans la baie de San Francisco. Elle jouait à guichet fermé et n'était pas disposée à nous recevoir avant le lundi 4 janvier, c'est-à-dire quatre jours après notre retour...

Aussi difficile d'y entrer...

C'est là que j'ai découvert qu'il est aussi difficile d'y entrer maintenant qu'il était d'en sortir jadis. Et les San Franciscains n'hésitent pas à tourner le fer dans la plaie en nous rappelant sans arrêt son existence, parfois même dans un élan de mauvais goût ahurissant. Outre les pyjamas rayés et les tasses ornées de tueurs en série, il est possible d'acheter dans toutes les bonnes gugusseries un savon Alcatraz portant la douce mention "Don't drop the soap".

Encore un cas où j'entre en transe en pensant à toute la chaîne qu'il a fallu convaincre pour offrir cet item au consommateur. Et personne ne s'est opposé?? Passons....

Ce qui est amusant dans cette ville en décembre, c'est que l'hiver ou plutôt l'idée de l'hiver est "superposée" partout sur ce que d'autres nommeraient "notre été"! Il y a donc une multitude de faux flocons en décoration sur les murs des lieux publics et dans les vitrines juste sous les "Winter sales" en grosses lettres.

Surprenant pour une ville qui a connu sa dernière chute de neige laissant une trace au sol en 1976. C'est vrai que nous, même si on placarde le père Noël partout, sa dernière trace au sol remonte à encore plus loin. Autre phénomène intéressant, l'habillement des autochtones. Dans un même groupe de potes sur le trottoir ou assis dans un café, un bonhomme Michelin en tuque, bottes d'hiver et foulard peut côtoyer une estivante en camisole, mini jupe et gougounes de plage. Cela doit dépendre de l'heure à laquelle chacun est sorti de la maison. Les matins et les soirées sont, en effet, plus frais avec, entre les deux, des pointes au-dessus de 20 Celsius en après-midi. Ce qui n'empêche pas certains de grelotter en plein jour, le foulard sur le nez. Ah, bienheureux San Franciscains...


Remake de Thriller

Bienheureux tant que le jour brille à l'horizon, car une autre découverte fâcheuse nous attendait. À la tombée de la nuit (ce qui est très tôt en décembre), la ville propose chaque soir un remake du vidéo Thriller du regretté Michael Jackson. Alors que les guides de voyage nous promettaient un séjour agréable dans "cette grande ville sécuritaire", nous nous sommes retrouvés le premier soir en train de courir littéralement en pleine rue pour entrer dans le premier bus disponible (et ne me partez pas sur la complexité du système de transport collectif...) afin d'éviter les zombies et les malfrats qui arrivaient de partout et nulle part sur chaque côté du trottoir... Déception! Alors qu'il est possible de parcourir en relative sécurité New York, Boston, Toronto, Barcelone, Paris, Rome, Athènes et bien sûr Montréal à la tombée de la nuit, San Francisco se peuple d'une foule grouillante d'individus suspects de tous âges qui n'ont qu'un objectif : harceler le moindre péquenot naïf qui circule.

Il serait trop long de raconter tout ce qui nous est arrivé, mais disons que l'anecdote la plus surprenante a été de se faire réclamer directement devant la caisse du Subway situé dans une gare du Caltrain le biscuit à peine acheté par un jeune homme visiblement drogué devant le regard placide de l'employé et des gardes de sécurité. Nous avons été plus harcelés en six jours à San Francisco que pendant toute notre vie, incluant nos voyages dans certains pays réputés pour leur population insistante. Certains cas sont tristes à mourir comme les itinérants plus âgés qui s'assoient avec les yeux tristes devant les clients des terrasses. On devine que le rêve américain leur est passé sur le corps et qu'il a peut-être même reculé pour mieux repasser. Après tout, San Francisco n'a-t-elle pas vu naître le mouvement hippie dans ses rues? On devine que certains indigents de longue date sont issus de cette vague-là.


À part Alcatraz?

Que peuvent faire deux touristes désœuvrés lorsqu’Alcatraz leur demeure inaccessible, que les otaries du Pier 39 et les quelques secteurs touristes à la réputation surfaite ont été visités? Marcher sur le Golden bridge! Un parcours de 3 heures aller-retour qui vous offrira une vue imprenable sur la ville et sur... Alcatraz, l'aguichante!

Ensuite, de retour, vous vous demanderez comment font les Américains pour réussir à faire d'absolument tout une attraction, même un pont peint en rouge, pardi! Ce n’est pas des farces, il y a une boutique de gugusses de chaque côté du pont. Les touristes sont si nombreux que la file pour les toilettes à l'extérieur prend plus de 30 minutes. Message à ceux qui planchent en ce moment sur le nouveau pont Champlain : pas besoin de "payage". Mettez des lumières disco et une couche de peinture voyante. Ensuite, commandez des tasses et des porte-clés et vendez-les aux Américains!

En résumé, San Francisco demeure une ville à voir, mais attendez-vous à justement en voir de toutes les couleurs : du fantastique, du philosophique et du merdique! Moi qui souhaitais faire une pause de cela... Me revoilà donc devant l'ordinateur en train d'écrire les histoires qui formeront le prochain tome des Histoires fantastiques, philosophiques et merdiques (à moins qu'elles ne portent un nouveau nom?)! Trois d'entre elles sont déjà complétées.

Quant au premier tome, il continue sa petite vie de premier livre... Je prends plaisir à le découvrir partout dans son élément naturel : librairies, bouquineries et bibliothèques. Déjà, j'ai vécu l'expérience étrange de voir une abonnée de ma bibliothèque le tirer du rayon, le regarder et le replacer. J'ai eu une envie folle de la plaquer au sol en la sommant de lire ce formidable recueil qui m'a pris deux ans de ma vie. Heureusement, j'ai repris mes esprits. Ça rend agressif publier un livre il faut croire!