jeudi 12 décembre 2013

L'apocalypse chez Stokes

Hier à la pharmacie, j'ai connu un moment de perplexité devant les trois choix de vaporisateurs nasaux d'une marque connue : nez sec, nez croûté, nez sec et croûté.

Comme une histoire fantastique, philosophique et merdique, ce type de situation projette toujours une scène semblable dans mon théâtre de l'absurde mental : une longue table ovale, des personnes renfrognées, principalement des hommes d'âge mûr en costume, un écran blanc. Quelqu'un se lève et explique à la ronde : " Je vais maintenant vous présenter les nouveaux produits que nous prévoyons lancer cette année. "

Commence ensuite la description d'un premier gadget révolutionnaire aussi ridicule qu'inutile, qui provoque un éclat de rire généralisé. Puis, un homme, celui que l'on devine être le grand patron, fait taire l'assistance en déclarant avec sérieux que le produit a beaucoup de potentiel. Les subalternes toussotent et s'empressent d'approuver le grand patron, lui qui a tant de flair.

Quelques mois plus tard, après les capsules, comprimés, gélules à dissolution rapide ou lente qui contiennent la même molécule, les serviettes hygiéniques qui suivent les mêmes modes que les couches avec leurs élastiques ou leurs ailes sur les côtés, le vaporisateur pour " nez sec et croûté " atterrit sur les rayons.

Et l'apocalypse se rapproche un peu plus.

Celui qui se produira non pas quand tous les signes attendus se manifesteront, mais quand l'inventivité des entreprises à créer de nouveaux besoins se tarira.

Affolement culinaire

Il s'agit bien sûr d'une blague, vous l'aurez deviné. Mais... je ne peux m'empêcher de ressentir un affolement chaque fois que je visite un boutique d'ustensiles de cuisine comme Stokes. Il m'arrive même d'y parcourir les rayons juste pour me rassurer qu'il nous reste encore quelques années.

Je m'explique. Pendant plusieurs décennies, la cuisinière compétente a nourri une famille de six à l'aide d'un fouet, d'un rouleau à pâte, d'une spatule, d'une cocotte en fonte, d'une poêle à frire et de deux chaudrons.

Que s'est-il passé?

Pourquoi alors cette angoisse folle quand je regarde la série Menu express de Jamie Oliver alors que mes placards contiennent environ 10 fois plus d’accessoires coûteux et complexes que ceux de mes grands-mères? Le gars ne se casse pourtant pas la tête, car il a aspergé jusqu'à maintenant tout - absolument tout, je dis bien - d'huile d'olive et de jus de citron. Mais il arrive toujours à jeter ma confiance par terre, comme aujourd'hui en sortant de sa manche du " sel de mer fumé ".

Déjà que toute la province s'était mise à la " fleur de sel " depuis un bout,  permettant aux membres de la table ovale chez Stokes de nous vendre un machin pour la servir. Cela a dû les réjouir, eux qui commençaient à s'essouffler après avoir lancé le " sèche décanteur", le " couteau en plastique pour couper la laitue" et le " petit gant pour peler l'ail".

Quand cela va-t-il s'arrêter? J'adhère à la position prise par Richard Martineau l'an dernier : si je vous invite à souper chez moi, vous risquez de manger un spaghetti. Et arrêtez de vouloir m'impressionner de votre côté; vous ne faites que me stresser!

Une pause dans la course folle au nouveau gugusse ferait le plus grand bien à tous. En premier à notre porte-feuille et, en deuxième, aux commis qui doivent trouver comment placer toutes ces merveilles sur les mêmes tablettes (qui ne s'agrandissent pas par en-dedans comme la tente de Harry Potter).

Ce qui m'amène à une deuxième question, tout aussi inquiétante : que va-t-il se passer si la machine s'arrête? Lorsque nous aurons déjà les vaporisateurs pour nez pincés, froncés, évasés, retouchés? Le gars de la compagnie va repartir avec sa mallette attendre la mort à la maison et nous aussi?

Suggestion de cadeau

Sur ces digressions, je vous souhaite à tous une bonne course folle dans les rayons! Il faut combler ces besoins tandis que nous en avons encore! Et si vous cherchez quoi offrir pour cet échange de cadeaux à 25$, pensez à un livre léger, drôle et surprenant. Et privilégiez un auteur québécois. Cela soutiendra l'économie locale tout en faisant plaisir à Maka Kotto.

Suzanne et Josée

Et une suggestion tout à fait objective(!), pourquoi pas les Petites histoires fantastiques, philosophiques et merdiques? Avec les belles illustrations de Suzanne Marinier et les récits imaginatifs de votre sous-signée, c'est un cadeau aussi joli qu'original.

Joyeuses Fêtes à tous!